Le Paysage : Pourquoi ? Comment ?

Au-delà de l’image : le paysage, une réalité perçue

A priori, le paysage, c’est la « partie d’un pays que la nature présente à l’œil qui le regarde » (définition du dictionnaire Le Robert). Cette définition attire l’attention sur le caractère partiel du paysage (partie d’un pays), autant que sur son caractère partial (subjectivité du regard). Pour Jean-Louis Tissier (in Lévy, Lussault, 2013), l’action de regarder renvoie en effet à une « visée attentive et intentionnelle », c’est-à-dire une activité subjective de l’observateur, motivée par un dessein spécifique (admirer, étudier, comprendre, se rappeler…).
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Si on va plus loin, par cette nécessaire médiation du regard, le paysage « n’est jamais naturel, mais toujours culturel », écrit Alain Roger (Roger, 1997). Les manières de regarder, les schèmes de vision du paysage, les référents d’appréciation (individuels ou sociaux), sont en effet toujours hérités d’expériences éducatives, vécues, sensibles. Il en va donc de même pour le paysage.

Le paysage ne peut pas non plus être limité à « [ce] que la nature présente à l’œil », dans une posture presque passive du sujet. Toute partie de pays est investie de signes humains concrets (anthropisation), ou de significations d’ordre cognitif (socialisation), qui lui prêtent nécessairement du sens.

Le paysage devient donc l’« expression observable par les sens à la surface de la terre de la combinaison entre la nature, les techniques et la culture des hommes », analysée par Jean-Robert Pitte dans son Histoire du Paysage Français (2012).

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Pour résumer, le paysage procède de la prise de distance du sujet observant par rapport à l’étendue visible. Prise de distance matérielle puisque le paysage est nécessairement considéré depuis (une fenêtre, un belvédère, une route…). Prise de distance idéelle aussi : en opposant milieu et environnement, le géographe Augustin Berque attire l’attention sur le procès d’exclusion opéré par le « sujet individuel moderne », quand celui-ci ne se considère plus comme une partie d’un tout appelé « milieu », mais se soustrait de ce système pour devenir en quelque sorte un observateur extérieur de l’« environnement » (Berque, 1990).
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Le paysage, au cœur des territoires et de leur histoire

Au carrefour entre les hommes, leur environnement, les actions réciproques entre les différentes parties de ce système, le paysage devient à la fois le support (actuel) et le témoin (hérité) de l’action et de la décision. La démarche d’observation de territoire qui nous occupe ici se situe donc aussi au carrefour entre une approche rétrospective, tournée vers les héritages qui ont configuré différemment le paysage au fil des époques, et une approche active et prospective, tournée vers les processus actuels de sa transformation. Ressource paysagère et patrimoine paysager ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, et la Convention Européenne du Paysage en fait acte en définissant le paysage autant par ce qui l’anime que par ce qui tend à le figer :

« Partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations » (Convention Européenne du Paysage du 20 octobre 2000 à Florence)

Michel Conan propose d’appréhender le paysage par l’image du palimpseste (Conan, cité par Roger, ibid.). Héritage sans cesse actualisé mais jamais essentiellement défiguré, le palimpseste paysager s’offre à une société à un temps donné, à ses pratiques et à ses représentations, sans jamais pouvoir être complètement dé-marqué de la géohistoire technique et symbolique qui l’a configuré comme tel.

L’observation photographique, une démarche opérationnelle pour exprimer les paysages

Concrètement, le « paysage quotidien », vu et perçu par ses habitants, jour après jour, saison après saison, devient l’objet d’étude de l’Observatoire Photographique de Paysages. C’est le paysage hérité et le paysage vécu. C’est le paysage qui parle, et qui fait parler. C’est le paysage qu’on voit sans le voir, et que l’on doit peut-être chercher à retrouver…

L’observatoire se caractérise donc par :

  • un objectif primordial : rendre compte de l’état et de l’évolution des paysages savoyards en tenant compte de leurs perceptions ;
  • une vocation culturelle et multidisciplinaire ;
  • une attitude ouverte et
  • une volonté de démarche participative ;
  • une exigence de vulgarisation en accord avec la mission de sensibilisation d’un CAUE, et avec les engagements de suivi et d’identification des paysages de la Convention européenne du paysage de Florence (art.6-A & C1);
  • un projet conçu pour explorer pas à pas de nouveaux « points de vue », et concerner différents publics.

Au delà d’une simple considération esthétique, l’objectif principal est de faire reconnaître les paysages savoyards en tant que faits sociaux et culturels, en attirant l’attention sur la résonance entre le modèle et ses variations.