Au-delà de l’image : le paysage, une réalité perçue
Le paysage ne peut pas non plus être limité à « [ce] que la nature présente à l’œil », dans une posture presque passive du sujet. Toute partie de pays est investie de signes humains concrets (anthropisation), ou de significations d’ordre cognitif (socialisation), qui lui prêtent nécessairement du sens.
Le paysage devient donc l’« expression observable par les sens à la surface de la terre de la combinaison entre la nature, les techniques et la culture des hommes », analysée par Jean-Robert Pitte dans son Histoire du Paysage Français (2012).
Le paysage, au cœur des territoires et de leur histoire
Au carrefour entre les hommes, leur environnement, les actions réciproques entre les différentes parties de ce système, le paysage devient à la fois le support (actuel) et le témoin (hérité) de l’action et de la décision. La démarche d’observation de territoire qui nous occupe ici se situe donc aussi au carrefour entre une approche rétrospective, tournée vers les héritages qui ont configuré différemment le paysage au fil des époques, et une approche active et prospective, tournée vers les processus actuels de sa transformation. Ressource paysagère et patrimoine paysager ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, et la Convention Européenne du Paysage en fait acte en définissant le paysage autant par ce qui l’anime que par ce qui tend à le figer :
« Partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations » (Convention Européenne du Paysage du 20 octobre 2000 à Florence)
Michel Conan propose d’appréhender le paysage par l’image du palimpseste (Conan, cité par Roger, ibid.). Héritage sans cesse actualisé mais jamais essentiellement défiguré, le palimpseste paysager s’offre à une société à un temps donné, à ses pratiques et à ses représentations, sans jamais pouvoir être complètement dé-marqué de la géohistoire technique et symbolique qui l’a configuré comme tel.
L’observation photographique, une démarche opérationnelle pour exprimer les paysages
Concrètement, le « paysage quotidien », vu et perçu par ses habitants, jour après jour, saison après saison, devient l’objet d’étude de l’Observatoire Photographique de Paysages. C’est le paysage hérité et le paysage vécu. C’est le paysage qui parle, et qui fait parler. C’est le paysage qu’on voit sans le voir, et que l’on doit peut-être chercher à retrouver…
L’observatoire se caractérise donc par :
- un objectif primordial : rendre compte de l’état et de l’évolution des paysages savoyards en tenant compte de leurs perceptions ;
- une vocation culturelle et multidisciplinaire ;
- une attitude ouverte et
- une volonté de démarche participative ;
- une exigence de vulgarisation en accord avec la mission de sensibilisation d’un CAUE, et avec les engagements de suivi et d’identification des paysages de la Convention européenne du paysage de Florence (art.6-A & C1);
- un projet conçu pour explorer pas à pas de nouveaux « points de vue », et concerner différents publics.
Au delà d’une simple considération esthétique, l’objectif principal est de faire reconnaître les paysages savoyards en tant que faits sociaux et culturels, en attirant l’attention sur la résonance entre le modèle et ses variations.